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Une dirigeante modèle

Jeudi 27 octobre 2022. Un e-mail vint perturber mon long fleuve tranquille. Nouvel appel de découverte réservé : Lisa Nakam. Plaît-il ? Lisa Nakam, CEO de Jonak, l’emblématique marque de chaussures depuis trois générations à +250 employés et +55 points de vente, venait de prendre un rendez-vous pour se faire accompagner sur son personal branding avec moi ? J’ai d’abord cru à une erreur. Mais non, quelques jours plus tard, Lisa était bien au rendez-vous, pile à l’heure.

Lisa Nakam est une bonne élève. En deux ans de collaboration, son comportement a toujours été irréprochable. Elle écoute plus qu’elle ne parle, elle est toujours à l’heure, elle fait le travail en dehors de nos sessions, et les résultats sont tellement visibles qu’ils ne peuvent pas être discutés. En 26 posts, elle a fait +5M de vues, son compte Linkedin est passé de 5000 à presque 25,000 abonnés, elle a été élue personnalité e-commerce 2023, et s’est même vu proposer un siège en tant que jurée de l’émission M6 “Qui Veut Être Mon Associé” qu’elle a gentiment refusé.

Pourtant, il a fallu que son frère, Marcel Nakam, la pousse à prendre la parole pendant trois longues années avant qu’elle finisse par passer le pas. “J’avais peur de me mettre en avant, de paraître égocentrée, de n’avoir rien d’intéressant à dire, et que ça desserve la marque.” dit-elle dans son dernier post Linkedin.

Lisa n’aime pas la lumière. Ce qu’elle aime, c’est le business, et son constat était évident : “C’est venu d’une analyse assez simple. Quand je regarde les marques aujourd’hui, la plupart de celles qui réussissent sont des marques qui ont une âme. Elles ont été personnifiées. Sézane ou Aime Skincare en sont de parfaits exemples. Dès lors, la question n’était pas de savoir s’il fallait le faire, mais de savoir comment le faire. C’est là que j’ai décidé de le faire sur Linkedin, tout simplement parce que c’était le réseau qui me correspondait le mieux, par rapport aux autres.”

Les résultats chiffrés (exceptionnels)

Cela va peut-être vous surprendre, mais bien que je travaille en étroite collaboration avec Lisa sur sa stratégie Linkedin, je n’avais encore jamais eu l’occasion de lui demander quel était exactement son retour sur investissement, jusqu’à cette interview. Pour moi qui peine à trouver des chiffres et preuves concrètes sur le ROI du personal branding, malgré beaucoup de recherches, j’étais ravie qu’elle accepte de partager en toute transparence les changements qu’elle a observés depuis qu’elle prend la parole sur Linkedin :

1. 10x sur les demandes de presse et conférences

Depuis qu’elle prend la parole sur Linkedin, les demandes de presse, de passages en podcast, interviews et conférences en tous genres abondent dans sa boîte mail. “Par rapport à l’année dernière, le nombre de demandes a été multiplié par 10, au bas mot ! Mais surtout, ce qui est intéressant, c’est qu’avant Linkedin, pour avoir un article dans les Echos par exemple, c’était à mon agence de presse de prendre contact, alors qu’aujourd’hui, c’est eux qui me demandent et moi qui fait le tri.”

2. Croissance de 950% sur le trafic web depuis Linkedin

“En un an, le trafic sur le site web depuis Linkedin a été multiplié par 950%. C’est simple, avant, ce chiffre était de quasiment 0, donc on sait que tout le trafic vient de mes posts. Aujourd’hui, je peux voir que Linkedin est devenu un vrai canal d’acquisition pour Jonak.”

3. 10x plus de clients hommes

“Quand tu as une marque qui s’adresse aux femmes, très souvent, les hommes ne te connaissent pas. Sauf que, quand tu grossis, à un moment donné, ça devient frustrant de rencontrer des hommes qui ne connaissent pas ta marque dans le milieu professionnel. Avec Linkedin, c’est un sujet qui a été complètement levé. Je l’observe vraiment dans le quotidien. Que ce soit à la sortie de l’école, ou même en entretiens, je croise beaucoup d’hommes qui disent me suivre sur les réseaux sociaux. Je pense que si on avait fait des statistiques à l’époque de notoriété, on aurait vu le chiffre de notoriété auprès des hommes augmenter d’une façon considérable. Je le vois dans les achats d’ailleurs. Je n’ai pas les chiffres exacts, mais de tête, je dirai qu’il y a quatre ans, notre clientèle était à 99% féminine, alors qu’aujourd’hui, on a 90% de femmes et 10% d’hommes.”

4. 2x plus de candidatures

”Le nombre de CV qu’on reçoit aujourd’hui à offre égale entre maintenant et il y a deux ans a été augmenté par deux. Mais surtout, au-delà de la quantité, je remarque qu’on a beaucoup plus de candidats qui nous choisissent nous parmi d’autres marques.”* Ils sont devenus le choix numéro 1.

5. Accélération des opportunités et réseau

On ne pourra jamais prouver le lien de cause à effets entre les posts Linkedin et la croissance des opportunités. Néanmoins, c’est un effet ressenti pour Lisa. “Quand j’ai fait le post au sujet des sites fraudeurs par exemple, j’ai été reçue au ministère de l’économie. Est-ce que j’aurai été reçue par le ministère de l’économie si je n’avais pas Linkedin ? Bonne question. Je ne suis pas sûre.”

La stratégie : miser sur la confiance

Beaucoup de gens veulent faire de Linkedin un canal d’acquisition. Mais peu comprennent que la meilleure manière de vendre n’est pas de parler de son produit ou service. Lisa, elle, étant à la tête d’une marque B2C qui persiste depuis plus de trois générations, l’a très bien compris.

D’ailleurs, Lisa ne parle pas de chaussures. “Je ne suis pas en train de faire la publicité de Jonak. Je suis en train d’ouvrir les portes à ce qui se trouve derrière Jonak. C’est un objectif de découverte, de partage, de transparence. C’est de la création de lien avec la clientèle.” Elle parle de ses problématiques de remboursements abusifs, à prendre des décisions en période de crise politique, de ses convictions sur les relances, le besoin de laisser du temps de réflexion aux salariés, et de ses questionnements sur la mise en avant des dirigeants.

C’est une stratégie indirecte, dont l’objectif premier est de travailler sur la notoriété, et dont la conséquence se traduit en ventes. “On dit qu’une personne finit par acheter quand elle a eu cinq points de contact avec la marque. LinkedIn fait partie de ces points de contact. Tu peux avoir une campagne publicitaire, un site web, un passage devant une boutique, une pub Google, et le post d’un fondateur sur Linkedin.” m’explique-t-elle.

À ce stade de l’article, je dois vous dire que je n’écris pas les posts de Lisa. Toutes les idées viennent d’elle. Je ne fais que la challenger sur ses idées, l’aider à les clarifier, à les embellir, et les rendre plus “Linkedin-friendly”.

“Pourquoi tu n’as pas voulu travailler avec un ghostwriter ?” lui ai-je demandé.

“Je trouve qu’on perd tout le bénéfice de cette stratégie. Le point central est quand même de mettre une personnalité derrière la marque, donc si ce n’est pas la vraie personne, alors on a une vraie problématique d’hypocrisie et de manque de transparence. Même si tu peux être guidé, à un moment donné, il faut que les idées viennent de toi.” m’a-t-elle répondu.

Au-delà des retombées directes sur le business, citées plus haut, l’écriture apporte aussi beaucoup de clarté d’esprit à Lisa. “Le fait de se poser pour écrire ses posts, ça te permet de faire des REX de tes sujets, chose qu’on ne fait jamais normalement dans le quotidien.” Clarté qui lui permet d’être meilleure en interviews et conférences. Or, “Demain, si on t’interviewe sur un sujet dont tu n’es pas en maîtrise car il émane de quelqu’un d’autre, tu risques d’être pris en porte-à-faux, c’est terrible.”

Risques temporaires et vision intemporelle

Le truc qui m’a toujours surprise avec Lisa, c’est sa propension au risque. Là où beaucoup d’autres entrepreneurs peuvent être frileux à prendre la parole, de peur des conséquences négatives sur leur image ou, pire, celle de leur marque, Lisa, elle, semble voir les choses différemment.

“Plus tu postes, plus tu as un risque de déplaire. Et, par conséquent, peut-être qu’il y a des gens qui aimaient bien mes chaussures, mais qui ne vont pas m’aimer moi. C’est un risque. Mais au même titre qu’il peut nous arriver de nous planter sur un lookbook, que certaines de nos clientes ne se reconnaissent pas du tout dans la direction qu’on a choisie, et qu’elles ne rentrent pas dans notre boutique cette saison-là. Moi je trouve que ce n’est pas très grave. Ça arrive de se planter, mais heureusement, les gens ne t’en tiennent pas rigueur à vie, et puis ils ont la mémoire courte en général.”

Je pense que la plus grande force de Lisa, c’est qu’elle voit les choses sur le temps long. Très long. Elle est patiente sur les résultats, tolérante sur les erreurs, parce qu’elle sait que sur le long terme, la tendance de fond sera là, et qu’elle sera positive.

Néanmoins, selon elle, c’est maintenant que tout se joue. “Je pense qu’il va y avoir de plus en plus de prises de parole de direction, mais qu’il va y avoir un peu de nettoyage qui va se faire naturellement. Le challenge sera de plus en plus de savoir se renouveler pour que ta prise de parole soit plus intéressante que celle de tous les autres. Et plus il y a de monde, plus ça sera difficile. Mais, à ce niveau-là, je pense que, quand même, prendre un réseau social tôt reste la solution à tout. On le voit en acquisition sur tous les réseaux sociaux. Les coûts d’acquisition sont toujours beaucoup plus faibles au démarrage que 10 ans plus tard.”

Merci

En sortant des bureaux de Jonak, je me suis sentie si fière, et en même temps si chanceuse. Lisa est une entrepreneuse extraordinaire aux côtés de qui c’est un privilège de grandir. Deux fois par mois, nos échanges sont des occasions d’en apprendre toujours plus sur le business, le personal branding, la vie, et moi-même.

Lisa est une des premières à m’avoir fait confiance, à continuer de le faire, et grâce à qui j’ai pû valider beaucoup d’intuitions que j’avais au sujet du personal branding sans jamais pouvoir les prouver :

  • C’est une stratégie qui porte ses fruits sur le long terme.
  • Chercher la conversion fonctionne rapidement, mais à bien moindre impact qu’en cherchant à construire une réputation.
  • Déléguer complètement la recherche d’idées et la rédaction est une erreur stratégique.
  • Les bad buzz et avis négatifs sont des épiphénomènes qui n’inverseront pas la tendance de fond.
  • La sincérité, vulnérabilité, et humilité, sont des lignes de conduites qui mettront toujours plus longtemps à vous faire remarquer, mais qui, une fois que c’est fait, vous font prendre une longeur d’avance irratrappable.

Lisa, merci pour tout.

Maud